Lutter contre les freins à l’embauche grâce à un dispositif innovant

Manque de mobilité du candidat, difficultés d’accès au logement, niveau linguistique insuffisant... ces difficultés représentent trop souvent un frein au recrutement de personnel compétent et motivé.

Ce sont à ces problématiques que s'attaquent Geiq BTP 42, HASAP Académie (centre de formation intégré de l’entreprise HASAP, leader français  de l’agencement d’intérieurs sur mesure)  AGIRabcd 42, AFI/ECRIT 42 et leurs partenaires, en lançant en octobre 2023 une expérimentation socioprofessionnelle innovante. En partant des besoins concrets d’une entreprise du territoire, ce projet vise à lever les freins récurrents pour l’accès à l’emploi durable des alternants de Geiq BTP 42 dans les entreprises. 

Face à l’absence de coordination et au manque de souplesse des systèmes existants, l’objectif est de lever les derniers freins à une embauche pérenne, tout en jouant sur l’insertion sociale et en maintenant la compétitivité des entreprises. Ce dispositif partenarial innovant, financé dans le cadre de l’Axe 3 du PIC (Plan d’Investissement dans les Compétences), vise à accompagner 20 à 25 bénéficiaires sur 18 mois glissants. Alliant la prise en compte globale des difficultés et un accompagnement personnalisé, cette expérimentation a vocation à s’affiner au fur et à mesure.

Une expérimentation née d’un besoin

Ce projet est né d'un constat fait par l'entreprise de menuiserie SUSCILLON, filiale du groupe HASAP et adhérente de Geiq BTP 42, qui se heurtait à ce type de difficultés de manière très concrète.

HASAP, entreprise inclusive

HASAP s’est engagée depuis 2019 dans une démarche volontaire de formation pour des personnes issues de l’insertion sociale. Cette formation comprend :

• une pré-qualification de 2,5 mois comprenant une remise à niveau,
• une formation en français langue étrangère,
• les premiers gestes du métier de menuisier,
• une formation de 12 mois dont 455 h au GRETA de la Loire et 900 h sur les chantiers avec un formateur SUSCILLON / HASAP ACADÉMIE.  

“Nous comptons 95% de réussite à l’examen.
Sur les 220 collaborateurs de l’entreprise, on compte 19 nationalités, dont des Soudanais, des Afghans, des Érythréens… Une fois embauchés, nous ne déplorons aucun abandon de poste. Tous ceux qui réussissent leur examen se voient proposer une embauche en CDI. 

Nous posons 2 conditions à l’embauche : 

• qu’ils aient le permis de conduire
• qu’ils habitent à une distance raisonnable de l’entreprise.”

Frédéric SORRET, directeur Achats et business solutions chez HASAP

Les 2 conditions, de bon sens, posées par HASAP peuvent cependant s’avérer des obstacles infranchissables pour les jeunes diplômés. Comment y remédier ?

La mobilité, une condition sine qua non pour les entreprises de second œuvre

Contrairement aux entreprises du BTP qui bénéficient d’un ramassage collectif de Travaux Publics et partent en équipe, les entreprises du second œuvre du bâtiment - menuisiers, plombiers, électriciens, plaquistes etc… - travaillent souvent en binôme, voire en solo. Il est donc essentiel pour eux d’avoir le permis de conduire. Tant que les alternants sont en contrat professionnel, cela ne pose pas trop de problème car ils sont conduits sur place par le centre de formation. Mais une fois embauchés, il devient impératif qu’ils soient autonomes.

Autre difficulté pointée par HASAP : entre le centre de formation, situé dans la Loire, et l’entreprise, située à Sainte-Blandine, en Isère, il faut contourner Lyon et prendre un itinéraire chargé et accidentogène, notamment dans la zone de traversée du Rhône, à Givors. Là encore, cette difficulté est gérable durant le temps de formation des alternants, car ils ne se rendent pas à l’entreprise tous les jours.

“Il n’est pas réaliste d’imaginer que l’on peut habiter à l’ouest du pont de Givors et être à l’heure tous les jours à l’entreprise, située à 70 kms à l’est de Lyon”, constate Frédéric SORRET.

Se pose donc également la problématique du lieu de logement.

Une absence de réponse coordonnée

Les futurs salariés ont, pour certains, des lacunes en compréhension du français, des difficultés d’accès au numérique et, souvent, pas le permis de conduire.

Frédéric SORRET cite l’exemple de 4 jeunes formés et prêts à être embauchés : sur les 4, l’un n’a ni permis de conduire, ni logement, le deuxième passe le permis en ce moment, 2 autres ont le permis mais pas de logement…

L’entreprise se heurte donc à un paradoxe : les futurs compagnons, motivés et compétents, formés sur mesure, risquent de ne pas être embauchés. Face à ces obstacles, il n’y avait jusque-là pas de réponse globale et efficace. 

Voilà pourquoi HASAP s’est tournée vers Geiq BTP 42 afin trouver une réponse collective et mutualisée à ce problème, rencontré par nombre d’autres entreprises du second œuvre. En tant qu'expert du recrutement et de l'insertion, et de par sa connaissance de l’ensemble des acteurs du territoire, Geiq BTP 42 était en effet l'interlocuteur tout désigné pour mener cette réflexion.

De nombreuses associations et structures font un travail remarquable pour travailler sur chacun de ces freins, mais il manquait jusque-là une réponse globale et personnalisée. C’est l’objet de l’expérimentation menée actuellement dans le cadre de l’axe 3 du PIC (Plan d’Investissement des Compétences, volet majeur du Grand plan d’investissement 2018-2022).

Une réponse innovante et mutualisée pour lever les obstacles à l’embauche

Un écosystème dynamique au service de l’embauche

L’idée est de s’appuyer sur l’expertise et les compétences de structures et associations reconnues dans leur domaines respectifs, c'est pourquoi GEIQ BTP 42, AGIRabcd 42, AFI/Ecrit 42 et HASAP Académie se sont associés pour monter un projet pour lequel ils ont demandé, et obtenu, un financement dans le cadre du PIC. En finançant pendant 18 mois ce dispositif partenarial inédit mis en place dans la Loire, l’État reconnaît le potentiel de cette expérimentation.

Objectif : donner l’aisance nécessaire aux futurs salariés pour assurer une mobilité géographique et fluidifier leurs démarches sociales. Notamment pour un accès au logement proche de leur lieu d’emploi, pendant ou à l’issue du contrat en alternance.

Inventer une solution sur mesure

Les missions concrètes du dispositifs sont :

• résoudre les problématiques d’apprentissage de la langue à usage professionnel,
• lever les freins de compréhension linguistiques, pour la validation du code de la route et du permis B,
• favoriser l’accès au logement en mettant en place un pilotage par une personne de langue française pour le compte des collaborateur en formation,
• faciliter un déménagement hors métropole Saint-Étienne et plus généralement vers les zones rurales ou péri-urbaines où est basé l’emploi
• lutter contre la fracture numérique.

Pour coordonner ces actions et l’ensemble des acteurs concernés, Geiq BTP 42 a recruté une intervenante. Sa mission est de fluidifier les démarches, faire le lien et accompagner les personnes concernées sur le plan administratif et social : elle est le tiers de confiance pour les aider dans les méandres des aides, associations, etc

Le déroulement

Le travail a commencé dès octobre 2023. L’objectif étant d’avoir des résultats tangibles le plus rapidement possible, les actions engagées font l’objet d’une mutualisation des outils et des savoir-faire de chaque partenaire pour répondre aux enjeux rencontrés :

Résoudre les problématiques d’apprentissage de la langue à usage professionnel

Les 2 associations AFI / Écrit 42 et AGIR ABCD ont proposé des cours adaptés à l’usage professionnel. Pour que l'apprentissage soit au plus proche des réalités du monde professionnel, Frédéric SORRET d'HASAP leur a fourni un corpus lexical spécifique au métier de menuisier. L’idée est de créer les outils les plus adaptés aux situations personnelles.

Lever les freins de compréhension linguistiques pour passer le code et le permis B

En se basant sur la méthode Facile À Lire et à Comprendre (FALC), AFI / Ecrit 42 et AGIRAbcd 42 aident les apprenants à apprivoiser les mots du code de la route. “Même pour quelqu'un qui maitrise bien le français, l’examen du code utilise des termes bien spécifiques et il est facile de faire une erreur simplement parce qu'on a pas compris un mot.” précise Frédéric SORRET

L’élaboration d’outils communs - carnet de bord individualisé, outils d’évaluation et livrets pédagogiques - est construite de manière collaborative, entre les partenaires auxquels s'associent l'AFPA et l’Institut de Conduite.

L’association de ces différents processus d’apprentissages permet de s’adapter au niveau de connaissance des apprenants et vise à traduire le cadre réglementaire de l’examen du code de la route par une formulation ou reformulation compréhensible et exploitable par les apprenants.

Se mettre au volant sans risque grâce au simulateur de conduite

Le simulateur permet de familiariser la personne avec l’environnement urbain, sans l'appréhension physique du véhicule en situation réelle. Le passage sur simulateur est l’occasion d’appliquer les connaissances acquises par les approches pédagogiques : l’accompagnement et la dispense des séances étant effectuées par des professionnels d’auto-école.  Ce processus, une fois le code obtenu, est suivi par une mise en pratique de la conduite au sein de l’Institut de Conduite, auto-école partenaire qui collabore avec GEIQ BTP 42 et AGIRabcd 42 dans une approche adaptée. 

Le simulateur permet de familiariser la personne avec l’environnement urbain

“Nous travaillons avec 2 auto-écoles partenaires et 8 ou 9 bénévoles de la sécurité routière dont 5 anciens moniteurs”

Daniel PARIZOT, délégué départemental de Agir ABCD42

Accompagner les apprenants dans l’autonomie 

Les 3 derniers volets : 

• favoriser l’accès au logement, 
• faciliter, si nécessaire, un déménagement vers les zones rurales ou péri-urbaines où est présente l’offre d’emploi
• lutter contre la fracture numérique 

sont travaillés conjointement, grâce à la présence d’une interlocutrice dédiée : Cléo OMBRET, chargée de mission à Geiq BTP 42. Son rôle : gèrer les démarches en ligne auprès de la CAF, des bailleurs, des organismes financeurs, (Form’Toit et Action logement ou Loire Habitat par exemple) et les structures associatives partenaires. Elle constitue les dossiers sur les plateformes web et est la principale interlocutrice sur ces questions.
L’objectif est de coordonner les actions et interventions pour les optimiser et les rendre opérantes.

En parallèle, une formation et un accompagnement aux outils informatiques et numériques est réalisée. Cette formation hybride, dispensée par des formateurs d’AFI/Ecrit 42, d’AGIR abcd et de l’AFPA, améliore et fluidifie la pratique informatique, toujours grâce à la méthode FALC.

Un accompagnement avant, pendant et après le contrat d’alternance

Cette expérimentation, qui s’inscrit dans la durée, suit les étapes suivantes :

• intervention dès l’amont du contrat pendant la durée de préqualification ou POE, de 9 à 10 semaines. 
• accompagnement pendant toute la durée du contrat d’alternance
• poursuite de l'accompagnement si besoin, une fois l’embauche effectuée par l’entreprise utilisatrice, pour solidifier et ajuster les acquis.

Un des enjeux est d'arriver à travailler ensemble, d'être réactifs, car il y a des objectifs à court et moyen terme. 4 salariés potentiels, au minimum, sortent de formation tous les 6 mois : ils doivent être opérationnels après 12 mois de formation et 3 mois de préqualification. 

Un des enjeux est de construire une façon de travailler ensemble car nous venons d’univers différents. Il nous faut être réactifs car il y a des objectifs à court et moyen terme. 4 salariés potentiels, au minimum, sortent de formation tous les 6 mois : ils doivent être opérationnels après 12 mois de formation et 3 mois de préqualification.

Sandra DEGOIN NANTAS, directrice d’AFI / Ecrit42.

Une expérimentation vouée à se diffuser

L'expérimentation lancée dans la Loire est suivie de près, car les problématiques rencontrées par HASAP sont largement partagées par d’autres entreprises du second œuvre.

Le problème de la mobilité, frein à l’embauche de talents, est le même chez les électriciens, plombiers, chauffagistes, charpentiers, plaquistes… pour lesquels le permis de conduire est bien souvent indispensable.

“Un enseigniste d'Évreux m’a dit être d’ores et déjà intéressé pour s’inspirer de notre travail chez lui. Cette expérience n'a donc pas vocation à être exclusive, bien au contraire. Elle est amenée, nous l'espérons, à être partagée et mutualisée avec d’autres Geiq de la Loire, de la Haute-Loire et plus largement avec les Geiq d’Auvergne Rhône Alpes ou d’ailleurs."

Frédéric SORRET, directeur Achats et business solutions chez HASAP

Née d’une problématique concrète rencontrée par l'entreprise ligérienne HASAP / SUSCILLON, l’expérimentation menée dans le cadre du PIC par Geiq BTP 42 et ses partenaires est un bel exemple d'innovation en matière d’insertion socio-professionnelle. Parce que l'employabilité d'un individu ne dépend pas uniquement de ses compétences professionnelles et de sa motivation, cette expérimentation démontre l'importance d'une approche globale des situations pour détecter, cas par cas, les freins et les faire tomber. Aider chaque candidat de façon concrète et ciblée et faire en sorte que les entreprises puissent avancer avec ceux en qui elles croient.

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